Cet article concerne le pôle Nord
géographique. Pour les autres définitions, voir
Pôle Nord.
Le
pôle Nord géographique terrestre, ou simplement
pôle Nord, est le point le plus
septentrional de la
planète Terre. Il est défini comme le point d’intersection de l'
axe de rotation de la Terre avec la
surface terrestre dans l'
hémisphère nord, où tous les
méridiens et les
fuseaux horaires se rencontrent. Ce n'est pas un point fixe à la surface de la Terre, sa
période d'oscillation
est de quatorze mois et sa position varie de quelques mètres lors des
plus fortes oscillations. Le pôle Nord géographique ne doit pas être
confondu avec le
pôle Nord magnétique, point central du
champ magnétique terrestre vers où les
boussoles pointent. Ce concept, appelé «
vrai Nord », a été découvert et rapporté par le
Chinois Shen Kuo au
XIe siècle.
Le pôle Nord se situe au milieu de l'
océan Arctique profond de
4 261 mètres1 et couvert en permanence par la
banquise, contrairement au
pôle Sud situé sur la
masse continentale Antarctique. Hormis certains bancs de gravier non permanents, la terre émergée la plus proche est l'île
Kaffeklubben, située à
707 kilomètres du pôle.
La première exploration du pôle Nord, bien que contestée, est attribuée à l'Américain
Frederick Cook qui aurait atteint le pôle le
21 avril 1908, mais il aurait maquillé son trajet réel
2. Le
Congrès des États-Unis a plutôt attribué la première exploration à l'Américain
Robert Peary qui prétend avoir atteint le pôle Nord le
6 avril 1909,
mais les historiens contestent ce fait depuis la découverte d'une copie
du journal de Peary, qui se serait trompé dans ses estimations
3. La première exploration confirmée du pôle Nord revient donc au Norvégien
Roald Amundsen et à l'Italien
Umberto Nobile, qui le survolent à bord d'un
ballon dirigeable le
12 mai 1926.
La température du pôle Nord peut varier entre
-43 °C et
0 °C, ce qui favorise la permanence de la glace de mer dont l'épaisseur varie entre deux et quatre mètres. La
banquise est cependant menacée et l'océan Arctique pourrait être libre de glace dès l'été
2014, en partie du fait du
réchauffement climatique et de la diminution de l'
effet albédo4. Cette situation nouvelle rendra plus facile l'accès aux
ressources du sous-sol Arctique et une dispute territoriale est enclenchée entre les cinq pays limitrophes de l'Arctique : le
Canada, la
Russie, la
Norvège, le
Danemark et les
États-Unis. Bien que le pôle Nord soit hors des
zones économiques exclusives de ces pays, la découverte récente de la
dorsale de Lomonossov relance le débat de la
souveraineté territoriale de l'Arctique.
Géographie
Localisation
L'axe de rotation de la Terre est incliné de
23° 27′ par rapport au plan de l'
orbite terrestre, l'
écliptique. Le pôle Nord définit les
géodésiques de latitude
90° Nord (Φ = + π / 2), ainsi que la direction du
vrai Nord, alors que sa longitude peut être définie comme n'importe quelle valeur
(-π ≤ λ ≤ + π)5.
L'axe de rotation — et donc la position du pôle Nord — fut longtemps
considéré comme fixe par rapport à la surface de la Terre, mais au
XVIIIe siècle, le mathématicien
Leonhard Euler prédit que l'axe pourrait osciller
6. Au début du
XXe siècle, les astronomes ont remarqué une petite variation de la
latitude
telle que déterminée pour un point fixe sur la Terre à partir de
l'observation des étoiles. D'une portée de quelques mètres pour les plus
fortes oscillations, l'errance du pôle à la surface de la Terre,
semblable au mouvement d'une toupie, a plusieurs composantes périodiques
et irrégulières. Le composant périodique de
433 jours, identifié aux huit mois prévus par Euler, est désormais appelé
oscillation de Chandler7.
Le point exact de l'axe de la Terre, à un moment donné, est appelé le
« pôle instantané », mais en raison de l'oscillation des pôles, on ne
peut pas l'utiliser comme définition d'un pôle fixe lorsqu'une mesure
précise à l'échelle du mètre est requise
8.
Un système fixe de coordonnées terrestres (
latitude,
longitude et
altitude, ou l'
orographie) serait utile, mais compte tenu de la
dérive des continents, de la hausse et de baisse de la Terre en raison des
volcans, de la
précession des équinoxes, de l'
érosion, entre autres, il n'y a pas de système dans lequel toutes les caractéristiques géographiques puissent être fixées. L’
International Earth Rotation and Reference Systems Service et l'
Union astronomique internationale ont donc défini un cadre appelé le «
Système international de référence terrestre ».
Le pôle Nord de ce système définit à présent le Nord géographique pour
le travail de précision, mais il ne coïncide pas exactement avec l'axe
de rotation terrestre
9.
Comme il n'y a pas de présence humaine permanente au pôle Nord, il n'y a pas d'heure ni de
fuseau horaire officiellement attribué à cette région du globe, mais en pratique le pôle comporte tous les fuseaux en un seul point
10.
Étant donné que toutes les lignes de longitude s'y rencontrent, on peut
marcher à travers tous les fuseaux horaires en une seconde en tournant
autour du pôle. De plus, les heures locales étant à peu près
synchronisées sur la position du Soleil à son
zénith, cette approximation ne fonctionne pas au pôle Nord, car il est continuellement dans le ciel durant six mois.
Les expéditions polaires peuvent utiliser un fuseau horaire qui leur
convienne, généralement le fuseau horaire de leur base de
ravitaillement, ou encore n'importe quelle unité du
Temps moyen de Greenwich (GMT), du
Temps universel coordonné (UTC), ou le fuseau horaire du pays de leur choix. Cependant, la convention veut que l'on utilise le fuseau
UTC+011, contrairement au
pôle Sud où l'on utilise le
UTC+12 (fuseau horaire de la Nouvelle-Zélande durant l'été austral)
10.
Climat
Le pôle Nord est nettement plus chaud que le
pôle Sud,
car il se situe au niveau de la mer au milieu d'un océan qui agit comme
un réservoir de chaleur, plutôt qu'en altitude sur une masse
continentale. En hiver (janvier), la température au pôle Nord peut
varier entre
-43 à
-26 °C, pour une moyenne de
-34 °C. La température moyenne d'été (juillet) se situe autour du point de congélation (
0 °C)
12.
La glace de mer du pôle Nord est d'environ deux ou trois mètres
d'épaisseur, mais il existe des variations considérables, et parfois la
circulation des banquises expose la surface maritime. Une récente étude
financée par l'
Union européenne et publiée dans la revue
Geophysical Research Letters a montré que la moyenne de l'épaisseur de la glace a diminué au cours des dernières années
13. Selon les chercheurs du
Centre for Polar Observation and Modelling (CPOM) de l'
University College de Londres (UCL) au
Royaume-Uni, la diminution de la banquise est attribuée au
réchauffement climatique et à l'
océan Arctique de plus en plus exposé au rayonnement solaire
13.
L'accélération drastique de la fonte des glaces de mer en Arctique
n'avait pas été prévue par les modèles climatiques, car ils ne tenaient
pas compte de l'
effet albédo ;
plus l'océan Arctique se libère de ses glaces, plus la chaleur des
rayons solaires est absorbée par l'eau, accélérant la fonte de la
calotte polaire14,15.
Récemment, des scientifiques ont prédit que le pôle Nord pourrait devenir libre de glace durant l'été dès
205016. Le
15 décembre 2008, la série télévisée canadienne
The Daily Planet a indiqué que les scientifiques annoncent que la calotte de glace pourrait fondre d'ici
2014 plutôt que
205017.
De récentes découvertes confirment que le pôle Nord a connu un
climat subtropical, il y a 55 millions d'années
18. La mission
Arctic Coring Expedition (ACEX) a récolté des
carottes de glaces sur la
dorsale de Lomonossov en
200419, dont l'analyse révèle la présence de
microfossiles de plantes et d'animaux typiques d'un environnement de mer chaude (environ
20 °C) et peu profonde subtropicale. Les fossiles trouvés à
400 mètres sous le
plancher océanique datent du maximum thermique de la période du
Paléocène-
Éocène18.
Au pôle Nord, le
Soleil
est en permanence au-dessus de l'horizon pendant les mois d'été et de
façon permanente au-dessous de l'horizon pendant les mois d'hiver. Le
lever du soleil a lieu juste avant l'
équinoxe vernal (environ le 19 mars). Le Soleil prend ensuite trois mois pour atteindre son point culminant, soit environ 23°½ d'élévation, au
solstice d'été (environ le 21 juin). Ensuite, il commence à redescendre pour atteindre le coucher du soleil juste après l'
équinoxe d'automne
(environ le 24 septembre). Quand le Soleil est visible dans le ciel
polaire, il semble se déplacer dans un cercle au-dessus de l'horizon. Ce
cercle passe peu à peu de près de l'horizon, juste après l'équinoxe
vernal à son maximum d'élévation (en degrés) au-dessus de l'horizon au
solstice d'été et redescend vers l'horizon avant de passer à l'équinoxe
d'automne
20,21.
Au pôle le
crépuscule civil dure environ deux semaines avant le lever et après le coucher du soleil, alors que le
crépuscule astronomique dure environ sept semaines avant le lever et après le coucher du soleil
22.
Ces effets sont causés par une combinaison de l'
inclinaison axiale de la
Terre et de sa
révolution autour du Soleil
23. La direction de l'inclinaison axiale de la Terre, ainsi que son angle par rapport au
plan orbital
de la Terre autour du Soleil, restent à peu près constants au cours
d'une année (les deux évoluent très lentement sur de longues périodes de
temps). Au milieu de l'été, le pôle Nord est incliné vers le Soleil à
son maximum. Au cours de l'année, la Terre se déplace autour du Soleil
et le pôle Nord se détourne progressivement (par rapport au Soleil),
pour finalement s'en éloigner au maximum. La même séquence s'observe au
pôle Sud avec six mois de décalage.
Faune et flore
Les animaux et les végétaux de l'
Arctique sont, par leur physique et leur comportement, adaptés aux conditions particulières des régions au nord du
cercle Arctique (66° 32′ Nord). La courte saison de croissance est certainement le facteur le plus contraignant pour la
faune et la
flore arctiques, limitées par la température, la lumière et la
calotte glaciaire. La productivité marine au pôle est plus ou moins importante selon les années, les saisons et la proximité au pôle
25, ainsi la croissance de la
biomasse ne dépasse pas
100 mgC/m2/jour
au centre du bassin polaire, elle est de deux à cinq fois moins
importante que dans la zone ouverte de l'océan Arctique. La présence de
la vie sous cette partie de la
banquise n'est pas plus importante qu'en
haute mer ;
la production primaire mesurée en Méditerranée occidentale est
équivalente, contrairement aux zones de très haute production comme les
côtes froides du
Pérou où la biomasse est cent fois plus productive
25.
Cette biomasse arctique est principalement constituée de
zooplancton tel que les
amphipodes benthique se nourrissant du
phytoplancton (
dinoflagellés et
diatomées)
qui poussent dans les couches inférieures et sous la surface submergée
de la glace flottante. Même durant l'hiver austral, certaines algues
peuvent continuer leur processus de
photosynthèse en profitant des très faibles lueurs de la
nuit polaire. Cette production attire les
poissons, les
cétacés et les
phoques durant l'été austral, parfois même à proximité du pôle
24.
Les récits témoignant d'une présence animale autour du pôle Nord
demeurent tout de même anecdotiques, mais on observe une importante
perturbation de la productivité causée par le
réchauffement climatique26.
En effet, on peut observer plus de 275 espèces de plantes et d'animaux
se rapprochant du pôle durant l'été austral en raison du réchauffement
27.
La
pêche halieutique autour de cette zone est favorisée tandis que la
mégafaune est défavorisée. L'
ours blanc
se déplace rarement au-delà de 82° de latitude Nord, en raison de la
rareté de la nourriture, bien que des traces soient parfois observées
près du pôle Nord
28. Une expédition en
2006 a signalé avoir observé un ours blanc à un peu plus d'un kilomètre du pôle
29. Le
phoque annelé a également été observé près du pôle, et un
renard polaire a été vu à moins de
60 kilomètres, à
89° 40′ Nord30.
Parmi les oiseaux observés près du pôle, plusieurs espèces ont été signalées : des
bruants des neiges, des
fulmars boréaux et des
mouettes tridactyles,
bien que certaines observations puissent être faussées par le fait que
les oiseaux ont tendance à suivre les navires et les expéditions
28. Des poissons ont été vus dans les eaux au pôle Nord, mais ils sont probablement peu nombreux
28. Bien que certaines espèces puissent comporter un grand nombre d'individus, le froid polaire ralentit leur
métabolisme et elles peuvent mettre jusqu'à deux ans en eau polaire avant d'atteindre leur maturité sexuelle
24.
La
pollution des eaux arctiques a également un impact important sur la natalité via la
chaîne alimentaire du cercle polaire. Certains
métaux lourds tels que le
zinc, le
cadmium, le
mercure et le
sélénium sont concentrés dans l'
océan Arctique par les courants marins provenant des océans
Atlantique et
Pacifique. Les
polluants bioaccumulés dans le métabolisme d'un individu augmentent avec l'absorption des niveaux inférieurs du réseau alimentaire océanique
24.
Ainsi, des contaminants peuvent être présents en quantité infime dans
le zooplanton, mais on observe des taux anormalement concentrés dans le
métabolisme des
espèces superprédatrices comme les oiseaux de mer, les phoques, les ours et même à l'extrémité de la chaîne, chez les humains. Des prélèvements de
sang de cordon des nouveau-nés
inuits révèlent un taux de
polychlorobiphényles
quatre fois plus grand et un taux de mercure quinze à vingt fois plus
élevé que chez les bébés nés plus au sud. Ces polluants présents dans
les métabolismes ont un impact sur le taux de natalité, et peuvent
provoquer des
déficits de neurotransmission et divers
problèmes cognitifs31.
Géopolitique
L'
océan Arctique est identifié depuis des décennies comme une région riche en
pétrole et en
gaz naturel. Dans une publication datant de
juillet 2008, le
United States Geological Survey estime que le sous-sol arctique renfermerait 90 milliards de
barils de pétrole, 1 670
billions de pieds cubiques de gaz naturel et 44 millions de barils de gaz naturel liquide
32. Cette situation rend le pôle Nord et l'Arctique très convoités par les pays limitrophes
33.
En vertu du
droit international, aucun pays ne possède actuellement le pôle Nord ou la région de l'
océan Arctique qui l'entoure. Les cinq États limitrophes de l'Arctique, soit la
Russie, le
Canada, la
Norvège, le
Danemark (via le
Groenland), et les
États-Unis (
via l'
Alaska), sont limités à une
zone économique exclusive de 200
miles marins (environ
370 kilomètres)
autour de leurs côtes. Au-delà de ces ZEE, la zone restante, qui
représente plus d'un million de kilomètres carrés, n'est attribuée à
aucun pays et c'est l'
Autorité internationale des fonds marins qui administre ce territoire
34.
Lors de la ratification de la
Convention des Nations unies sur le droit de la mer, un pays a une période de dix ans pour faire valoir légalement sa zone de
200 miles marins35. Ainsi, la Norvège (qui a ratifié la convention en 1996
36), la Russie (ratifié en 1997
37), le Canada (ratifié en 2003
38) et le Danemark (ratifié en 2004
36) ont tous lancé des projets pour affirmer que certains secteurs de l'Arctique devraient appartenir à leur territoire
39.
En
1948, une expédition
russe fait la découverte de la
dorsale de Lomonossov, une structure géologique s'étendant sur
1 800 kilomètres depuis les
îles de Nouvelle-Sibérie jusqu'au large de l'
île d'Ellesmere40. Ce n'est qu'au début des
années 2000 que la dorsale océanique attire l'attention de la
communauté internationale, due à la requête officielle de la Fédération de Russie auprès de la commission des Nations Unies, à propos de la limite du
plateau continental. Le document propose d'établir une nouvelle limite périphérique pour le plateau continental russe, en dehors de la zone des
200 milles marins. Cependant l'article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer prévoit qu'une extension de
150 milles marins peut faire l'objet d'une requête, si le plateau continental se prolonge sous l'eau
4, ce qui exclut la revendication russe dont le plateau se trouve à plus de
1 000 milles marins du pôle.
Le
Danemark, le
Canada et la
Russie se disputent la structure géologique et affirment que la dorsale est une extension de leurs plateaux continentaux respectifs
41. À la fin
juin 2007, quelque soixante-dix géologues russes auraient réussi à prouver que les
dorsales médio-océaniques de Lomonossov seraient des extensions du
continent eurasiatique, reliant ainsi le pôle Nord au territoire russe
42,43. C'est sur la base de cette affirmation que l'expédition russe
Arktika 2007 envoya le
brise-glace nucléaire
Rossia, le navire de recherche
Akademik Fédorov et deux mini-
sous-marins,
Mir 1 et
Mir 2, pour explorer la région. Le
2 août 2007, des scientifiques russes ont plongé à
4 261 mètres sous la surface, et déposé une capsule de titane contenant le drapeau russe, en symbole de leur revendication sur la région
43,44.
Les
États-Unis, le Canada et le Danemark contestent la prise du pôle Nord par la Russie
45. À ce sujet, le ministre canadien des Affaires étrangères,
Peter MacKay a déclaré :
« Nous ne sommes plus au XVe siècle. Nous ne pouvons plus voyager à travers le monde, planter des drapeaux et proclamer que ce territoire nous appartient46 ».
Exploration
Gravure de 1598 illustrant le bateau de
Willem Barentsz pris dans les glaces arctiques.
Dès le
XVIe siècle, de nombreux géographes estiment que le pôle Nord est situé dans une mer, qui est appelée une
polynie au
XIXe siècle, ou
mer polaire ouverte47. Le géographe allemand
August Petermann
est le principal partisan de l'existence d'une mer polaire libre de
glaces. Cette théorie se révèle plus tard erronée, mais elle justifie
plusieurs expéditions entre
1853 et
1876. Ces explorateurs espèrent trouver une voie navigable libre de glaces vers le pôle à un moment favorable de l'année.
Le
16 juin 1596, une expédition
néerlandaise menée par
Willem Barentsz atteint la
latitude 79° 49′ Nord, fixant le premier record homologué d'une présence humaine aussi septentrionale
48. Barentsz meurt l'année suivante.
En
1893,
Fridtjof Nansen et
Hjalmar Johansen mènent une expédition avec le navire
Fram, qui est à l'origine d'un nouveau type de
navire, le
brise-glace. Ils sont les premiers hommes à s'approcher d'aussi près du pôle Nord, atteignant la latitude
86° 14′ Nord le
8 avril 189549.
En
1908, l'Américain
Frederick Cook organise une expédition très légère, et part accompagné de seulement deux
Inuits. Il affirme avoir atteint le pôle le
21 avril 1908, mais ne rentre à sa base que le
18 avril 1909,
après un long périple. Son témoignage est mis en doute par plusieurs
historiens, qui avancent que Cook se serait trompé dans ses estimations.
Certains ont également relevé un faisceau d'indices indiquant qu'il
aurait pu maquiller son trajet réel et n'aurait en fait jamais tenté
d'approcher le pôle Nord
2. L'histoire de cette expédition est encore aujourd'hui controversée.
Robert Peary et son équipe près du pôle Nord, le 6 avril 1909.
L'Américain
Robert Peary prétend avoir atteint le pôle Nord le
6 avril 1909 accompagné de
Matthew Henson et de quatre
Inuits – Oatah, Egingwah, Seegloo et Ookeah
50. Il obtient avec difficulté la reconnaissance de son exploit par le
Congrès des États-Unis,
qui finit par le désigner officiellement comme le premier homme arrivé
au pôle Nord. Depuis la découverte d'une copie du journal de Peary, il
semble aujourd'hui presque certain qu'il s'est trompé dans ses
estimations, et qu'il ne se soit approché du pôle que d'une quarantaine
de kilomètres. La « communauté exploratrice » de l'époque lui reprocha
vivement de n'avoir fait aucun relevé de position au cours des derniers
200 kilomètres
de son voyage vers le pôle. Robert M. Bryce remarque également que la
vitesse moyenne que Peary affirme avoir soutenue lors de son retour est
considérée comme humainement impossible, et n'a jamais été égalée depuis
3. De plus
Matthew Henson, un explorateur
afro-américain,
a devancé de 45 minutes l'expédition et est ainsi le premier de
l'expédition à atteindre le pôle. Mais Henson était noir, et ce fut
Peary qui obtint tous les honneurs
50,51.
Les premiers à atteindre le pôle Nord avec certitude sont
Roald Amundsen et
Umberto Nobile, qui le survolent à bord du dirigeable
Norge, le
12 mai 1926. Le Soviétique Papanine s'y pose en avion le
21 mai 1937, et le Britannique
Wally Herbert l'atteint en traîneau à chiens le
5 avril 1969.
En
1958, le sous-marin américain
USS Nautilus est le premier sous-marin à atteindre le pôle lors de la traversée de l'Arctique
52. Il est suivi par le
USS Skate en
1959, qui est le premier à faire surface au pôle
52.
Le
17 août 1977, le
brise-glace soviétique à propulsion
nucléaire Arktika
est le premier navire de surface à atteindre le pôle Nord, démontrant
ainsi qu'il est possible de naviguer en été dans les eaux arctiques
53.
Le
29 avril 1978, l'explorateur japonais
Naomi Uemura est le premier à atteindre le pôle Nord en solitaire, au terme d'un voyage de
800 kilomètres. Parti du
Cap Columbia au nord de l'
Île d'Ellesmere au
Canada,
il suit les traces de l'expédition de Peary, en traîneau tiré par
dix-sept chiens. Il est régulièrement ravitaillé par avion qui lui
parachute des vivres
54.
En
1982,
Ranulph Fiennes et
Charles R. Burton sont les premiers à traverser l'
océan Arctique en une seule saison. Le
17 février 1982, ils quittent l'
île Crozier au large de l'
île d'Ellesmere, et arrivent au pôle Nord géographique le
11 avril 1982. Leur expédition s'est faite à pied et en
motoneige. Depuis le pôle, ils regagnent le sud en direction du
Svalbard,
mais en raison de l'instabilité de la glace, ils mettent fin à leur
traversée au niveau de la lisière des glaces, et dérivent vers le sud
sur une banquise durant
99 jours. Le
4 août 1982, ils peuvent finalement rejoindre leur navire d'expédition le
MV Benjamin Bowring, à la latitude
80° 31′ Nord. À la suite de ce voyage, durant trois ans, Fiennes et Burton participent à l'
expédition Transglobe, et deviennent les premiers à faire un circumpolaire, c'est-à-dire le tour du monde par les deux pôles
55. Cette réalisation demeure incontestée à ce jour, et le
Livre Guinness des records décrit Ranulph Fiennes comme « le plus grand explorateur vivant
56 ».
Le
1er mai 1986, la
Will Steger International Polar Expedition
est la première expédition à atteindre le pôle Nord sans aucun
ravitaillement. Les membres de l'équipe sont : Paul Schurke, Brent
Boddy,
Richard Weber, Geoff Carroll, Ann Bancroft et une équipe de vingt-et-un chiens. Brent Boddy et
Richard Weber deviennent ainsi les premiers Canadiens à atteindre le pôle, et
Ann Bancroft la première femme
57. Quelques jours plus tard, le
11 mai,
Jean-Louis Étienne
est le premier à atteindre le pôle Nord à ski et en solitaire. Il est
le premier Français à atteindre le pôle, après 63 jours de marche
58.
En
1988, l'expédition
Polar Bridge est la première traversée de l'
océan Arctique à ski. L'expédition est composée de neuf Russes et quatre Canadiens, et parcourent les
1 800 kilomètres séparant le nord de la
Sibérie de l'
île d'Ellesmere au Canada en passant par le pôle Nord.
Richard Weber (Chef de l'équipe canadienne) devint le premier homme à atteindre le pôle Nord à partir des deux côtés de l'
océan Arctique59. Puis en
1995,
Weber en compagnie de Mikhail Malakhov, sont les premiers à atteindre
le pôle Nord et en revenir sans aucune assistance, sans ravitaillement
et en utilisant uniquement des ressources humaines
59.
En
2005, le
sous-marin nucléaire de
classe Los Angeles de la
United States Navy, le
USS Charlotte, a fait surface au pôle Nord, en perçant
155 centimètres de glace. Les 137 membres d'équipage et les 17 officiers ont passé
18 heures sur la calotte glaciaire. Certains des hommes ont pris des photos, tandis que d'autres ont joué un match de football
60.
Le
23 mars 2006, Børge Ousland et
Mike Horn sont les premières personnes à atteindre le pôle Nord durant la
nuit polaire61. Puis, un mois plus tard, le
16 avril 2006,
Albert II de Monaco est le premier monarque régnant à atteindre le pôle Nord
62.
En
avril 2007, l'artiste
néerlandais en
art performance, Guido van der Werve, a réalisé une de ses performances au pôle Nord, en se tenant exactement sur le pôle durant
24 heures,
et en tournant lentement dans le sens horaire (la Terre tourne dans le
sens antihoraire). En suivant sa propre ombre, Van der Werve n'a pas
tourné avec le monde pendant une journée. Cette performance est
intitulée
Nummer Negen63, le jour où je n'ai pas tourné avec le monde. Van der Werve a réalisé un montage vidéo
accéléré de ces
24 heures en
9 minutes64.
En
juillet 2007, le nageur d'endurance
britannique Lewis Gordon Pugh a réalisé
1 kilomètre de nage au pôle Nord. Son exploit, entrepris afin de mettre en évidence les effets du
changement climatique, a eu lieu en
eau libre entre les
banquises, durant
18 minutes et
50 secondes et à une température de
-1,8 °C65,66. En
2008, Pugh tente de rejoindre le pôle Nord en
kayak à partir de la
Norvège, mais doit abandonner après avoir été coincé par les glaces pendant trois jours
67.
Représentations culturelles
Pour les Américains, la résidence du
père Noël est sise au pôle Nord géographique. En
1983,
Postes Canada a attribué le code postal
H0H 0H0 au pôle Nord en référence au rire caractéristique du père Noël :
« Ho ! Ho ! Ho ! »68.
En
1866,
Jules Verne décrit dans son roman
Voyages et aventures du capitaine Hatteras,
le récit d'une expédition menée par un Anglais vers le pôle Nord. Ce
roman est rédigé en se fondant sur la théorie erronée de la
mer polaire ouverte. Ce fait banal en apparence reflète réellement une ancienne mythologie d'
Hyperborée, qui situe au pôle Nord, l'étrange axe du monde, la demeure d'êtres surhumains
69.
L'idée populaire faisant du pôle Nord géographique la résidence du père
Noël est archétypale d'une transcendance spirituelle faite de pureté
70. Comme
Henry Corbin l'a établi, le pôle Nord joue un rôle clé dans la culture ésotérique du
soufisme et le mysticisme
iranien :
« L'Orient
recherché par le mystique, l'Orient, qui ne peut pas être situé sur nos
cartes, est en direction du nord, au-delà du nord »71.
Le pôle est aussi identifié par une mystérieuse montagne dans l'océan Arctique, le mont Qaf (cf.
Rupes Nigra), dont l'ascension, comme l'escalade du
mont du Purgatoire par
Dante et
Virgile, représente la progression du pèlerin au travers de différents états spirituels. Dans la
théosophie
iranienne, le pôle céleste, point focal de l'ascension spirituelle,
agit comme un aimant pour attirer les êtres à son « palais avec
d'immatérielles préoccupations ».